Effet de serre : dans vingt ans, il sera trop tard
Par Jean-Yves Le Déaut, Député PS, président de la mission d'information parlementaire et Nathalie Kosciusko-Morizet, député UMP, rapporteur de la mission.Cosigné par les députés André Chassaigne (CR), Francis Hillemeyer (UDF), Serge Poignant (UMP), Philippe Tourtelier (PS), Martine Billard (Verts), Alain Gest (UMP).
Tribune parue dans Le Figaro du 4 juillet 2006
"Rassemblés au sein de la mission d'information parlementaire sur l'effet de serre, nous avons travaillé six mois à auditionner, à réfléchir, puis à proposer. Chacun, toutes tendances confondues, a pu mesurer l'ampleur de la tâche et l'urgence du sujet.
Le constat est désormais unanime et s'impose à nous comme une inquiétante évidence : l'effet de serre est la plus grande menace et le défi majeur du XXIe siècle. Les conséquences du changement climatique sont prévisibles, pour certaines déjà présentes.
On parle déjà des premiers «réfugiés climatiques». Les scientifiques du monde entier ne cessent pas de tirer la sonnette d'alarme : si nous ne changeons pas d'attitude, nous irons droit dans le mur.
Les ruptures sont nécessaires à partir d'aujourd'hui, car tout porte à croire que dans vingt ans, il sera trop tard. L'insouciance énergétique nous a conduits au dérapage climatique.
Nos modes de production et de consommation y ont grandement contribué tout au long des deux derniers siècles. C'est un constat avéré. L'effet de serre inaugure une période nouvelle sur toute la surface de la terre et pour tous les peuples. L'immobilisme est désormais interdit. Il serait suicidaire.
Nous voici donc face à l'enjeu écologique majeur, et il est déjà trop tard pour l'éluder. Les implications socio-économiques de l'effet de serre sont au coeur même des équilibres géostratégiques : contraintes énergétiques, conditions du dialogue entre les pays du Nord et du Sud, nouvelles formes de migration.
Le climat définit, en somme, les contours d'une nouvelle gouvernance mondiale. Face à des phénomènes sans précédent, nous apportons, par facilité, quelques correctifs, souvent techniques, parfois juridiques, mais nous ne sommes pas engagés dans une réelle remise en cause de notre modèle de développement. Que le Parlement s'en soit saisi est une aubaine, et là est également son rôle (1). Il n'est pas trop tard, mais presque.
Les mesures doivent être prises dans la décennie. Nous sommes désormais dans un nouvel âge de la responsabilité. Aussi insurmontable que cela puisse paraître de prime abord, nous devons changer de mentalités et de comportements, mais aussi sensibiliser les autres. Nous devons développer nos connaissances et les partager aussi avec d'autres pays : dans un monde de plus en plus «globalisé», les solutions devront l'être également. Au responsable politique, bien sûr, de réécrire toutes nos politiques publiques. Aucune ne peut échapper à ce surgissement de l'écologie, comme une donnée, une contrainte, un moyen.
Mais l'Etat ne doit pas demeurer le seul acteur. Le gouvernement de cet avenir-là appartient à chacun, collectivités locales, entreprises, associations, citoyens. Même si le progrès scientifique ne peut pas tout – les changements de comportements doivent franchement s'imposer –, il existe déjà des avancées scientifiques et technologiques extraordinaires qui n'attendent que d'être mises en oeuvre.
Il y en aura nécessairement d'autres à condition de soutenir fortement la recherche, l'innovation et la coopération scientifique internationale. La lutte contre le changement climatique peut également constituer une réelle opportunité économique. Plus nous agirons tôt pour réduire les émissions, moins difficile sera l'ajustement, et plus nous pourrons en retirer de bénéfices économiques.
L'«économie positive» qui serait induite par cette stratégie volontariste serait féconde, à la fois en matière de croissance et d'emploi. Cette mission parlementaire se sera inscrite dans le droit-fil de la charte de l'environnement. Elle inaugure pour le Parlement, mais également pour chacun, un mouvement qui doit ignorer les sensibilités classiques et s'inscrire comme l'armature des formes de gouvernance locales, nationales et mondiales de demain.
Cette mission porte un espoir, espoir que la question du réchauffement climatique sorte enfin des laboratoires et des colloques d'experts. Pour être au premier rang des préoccupations politiques et citoyennes. Pour insuffler une nouvelle dynamique dans les rapports entre les pays du Nord et du Sud. Pour être placé au coeur des débats lors des prochaines grandes échéances électorales. "
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