jeudi, mai 11, 2006

Tribune libre

L' ascension équitable n'est pas discriminante, son adoption est condition de paix sociale.
(Ce texte est protégé par le code de la propriété intellectuelle)


Pour une substitution du terme ascension équitable aux expressions « discrimination positive » et « volontarisme républicain » :

L’expression ascension équitable porte en elle cette essentielle notion de réciprocité du gain, à l’instar du commerce équitable. L’appellation est primordiale. Si le commerce équitable avait été appelé achat solidaire, sa viabilité aurait été moindre. La justesse du principe, c’est permettre à ceux qui sont en difficulté de s’en sortir par leur propre travail. A l’instar, l’ascension équitable n’est en rien une faveur, elle est un principe républicain essentiel conditionnant la préservation de l’équilibre social. Sa mise en œuvre ne discrimine personne. L’égalité des chances ne peut être atteinte que par la proportionnalité, cf Aristote, Ethique à Nicomaque, la justice comme équité :

" Il y a donc bien identité du juste et de l'équitable, et tous deux sont bons bien que l'équitable soit le meilleur des deux. Ce qui fait la difficulté c'est que l'équitable, tout en étant juste, n'est pas juste selon la loi, mais un correctif de la justice légale. La raison en est que la loi est toujours quelque chose de général, et qu'il y a des cas d'espèce pour lesquels il n'est pas possible de poser un énoncé général qui s'y applique avec rectitude, telle est la nature de l'équitable : c'est d'être un correctif de la loi, là où la loi à manqué de statuer à cause de sa généralité"
A celui qui a moins, on donne plus. Pour atteindre l’égalité de droit, on utilise la notion d’égalité politique (cf Dworkin) et c’est la société en son ensemble qui est gagnante en terme de cohésion et paix sociale.

1/ Implications sémantiques de l’expression ascension équitable

Le terme d’ascension induit celui d’une élévation, d’un avancement vers un échelon supérieur, d’une promotion, corrélat de récompense du mérite et des efforts.
Ce terme était une des composantes de la campagne de 95 de Chirac qui avec son ascenseur social avait suscité l’espoir et dont l’absence de fonctionnement a attisé les passions négatives tel le ressentiment.

Reprendre ce principe d’élévation, c’est insister sur le mouvement individuel de chaque parcours qui doit permettre une progression, et ne pas se contenter d'insister sur le moyen mis en œuvre pour modifier la conséquence du dysfonctionnement latent. C'est aux causes que l'on doit s'attacher en trouvant le moyen de ne pas sombrer dans des catégorisations peu fidèles aux situations individuelles.
C’est donc reprendre une attente des français essentielle, tout en nuançant ce qui chez Chirac, a failli.
En ce sens le terme volontarisme républicain est aussi ambivalent dans la mesure où il introduit l’idée d’une certaine catégorisation et stigmatisation. En outre, comme le terme d’ascenseur il ne désigne pas le mouvement du point de vue de l’individu mais le procédé égalisateur voulu politiquement.
Or c’est du point de vue de l’individu qu’il convient de poser la question. En somme ce qui porte nuisance à l’expression discrimination positive c’est qu’elle catégorise et laisse ainsi penser que l’aide consentie aux uns ne peut l’être aux autres. Elle oppose. A rebours,l’ascension équitable telle que je la conçois, com-pose. L'ascension équitable c’est donc l’élévation de tous qui profite à celle de chacun.

L’adjonction du terme équitable à celui d’ascension réfère à la notion de justice proportionnelle, donner à chacun pour rendre effective l’égalité des chances. Consentir une aide particulière pour une personne confrontée à des difficultés handicapantes est juste.
Consentir cette aide envers une catégorie particulière au détriment d’un individu qui se trouverait dans une autre catégorie mais éprouverait les mêmes difficultés est injuste.

2/ Insistance essentielle sur la réciprocité du gain

Car là sont les craintes suscitées par l’ambivalence du terme discrimination positive. Les classes moyennes, qui n’ont pas bénéficié d’ascension au fil des dernières générations se sentent menacées par ce genre de dispositif.
Et l’un des écueils de la philosophie de Rawls était précisément là : la maximisation de l’intérêt du plus mal lotit peut induire insidieusement un nivellement de la classe moyenne. Et finalement on ne fait que déplacer l’inéquité d’une catégorie sur une autre.

Le monde rural ne doit surtout pas être négligé. La France besogneuse, ce sont aussi ces agriculteurs, dont le pouvoir d’achat ne permet pas toujours aux enfants de bénéficier de séjours linguistiques ou formations onéreuses.

Apaiser les tensions sociales en montrant que les efforts envers les uns ne nuisent pas à l’épanouissement du projet des autres. Privilégier la mise à niveau et la préparation à concourir (cf ESSEC : une grande école pourquoi pas moi, a sous l’égide du Professeur SIBIEUDE, instauré de manière avant-gardiste, un mode de tutorat bénévole permettant à des élèves dès la seconde de bénéficier d’un accompagnement personnalisé jusqu’au baccalauréat pour optimiser ainsi leurs résultats, intégrer des classes préparatoires et réussir par leurs efforts, le même concours que les autres impétrants ) plutôt qu’un mode de sélection différent fonctionnant par cooptation pour les zones dites prioritaires.

L’expression « ascension équitable » renvoie à celle de commerce équitable qui a très bien pris dans l’esprit des citoyens car elle véhiculait l’idée sous-jacente d’un gain réciproque : je paie mon café plus cher, mais les peuples qui s’autonomisent grâce à ce geste n’ont pas besoin d’assistanat, et vivent dignement de la reconnaissance de leur travail, et moi je consomme un produit artisanal de qualité.

Or l’ascension équitable, axée sur le plan de vie de chaque individu, serait un principe républicain essentiel gagnant /gagnant : le progrès de chacun, l’ascension individuelle ne se ferait pas au détriment de catégories, à rebours chacun y gagnerait la paix sociale.


Marie-Sophie Mozziconacci,