lundi, mai 08, 2006

Le DMP ou dossier médical personnalisé
Dossier médical personnel : «Le projet est lancé»
Propos recueillis par Olivier Auguste
08 mai 2006, (Rubrique L'actualité économique) Le Figaro


Jacques Sauret vient d'être nommé directeur du groupement d'intérêt public (GIP) chargé par le gouvernement de mettre en place le dossier médical personnel (DMP).

LE FIGARO. – Votre conseil d'administration a essuyé de violentes critiques en présentant son plan de généralisation du DMP (voir nos éditions du 3 mai). Il l'a pourtant adopté hier sans grands changements. Pourquoi ?

Jacques SAURET. – Reconnaissons que nous avons, auparavant, mal ou pas assez expliqué notre stratégie. Depuis, nous l'avons longuement détaillée. Avec les représentants des patients et des professionnels de santé, nous sommes parvenus à un consensus assez large, même si les détails restent à préciser. Le conseil d'administration a donc confirmé ses intentions. La crise est derrière nous. Nous pouvons dire : «Le projet est lancé, le chemin est tracé.»

Respecterez-vous les délais prévus ?

Si je n'étais pas certain que les délais sont tenables, je ne serais pas venu. J'ai une certaine expérience, j'ai notamment participé à la conception de la carte Vitale. Ce qui est inscrit dans la loi sera respecté : toute personne qui le souhaitera pourra ouvrir son dossier médical en ligne avant le 1er juillet 2007.

Il est difficile d'imaginer que, dans un an, tous les professionnels de santé seront équipés de logiciels pour ouvrir et compléter le dossier électronique de leurs patients, et qu'ils auront appris à s'en servir ?

Arrêtons de raisonner sur du «tout ou rien». Nous pouvons lancer le dossier médical puis l'enrichir progressivement. A son lancement, le DMP pourra être alimenté par tous les pharmaciens, via le «dossier pharmaceutique» que la profession prépare, puis par les médecins et les établissements de santé au fur et à mesure qu'ils s'équiperont. Ainsi les hôpitaux – au moins les CHU – devraient-ils rapidement être capables d'intégrer dans le DMP les «lettres de sortie» des patients en fin d'hospitalisation. Par ailleurs, le dossier pourra être complété par les données médicamenteuses ou biologiques de l'assurance-maladie : chaque personne, en ouvrant son dossier, pourra dire si elle accepte ou non que ces renseignements, issus des remboursements, soient transmis au professionnel de santé qui consulte son DMP. Nous disposons aussi de 26 millions d'euros pour aider les entités – réseaux cancer par exemple – qui disposent déjà de leurs propres dossiers médicaux informatisés et qui sont prêtes à adapter leurs systèmes dès cette année pour «verser» les données de chaque patient dans son DMP. Ces éléments permettront déjà d'éviter des examens redondants ou des interactions de médicaments et apporteront des compléments d'informations médicales aux professionnels de santé. Le dossier sera donc utile dès le départ.

La «hot line» téléphonique sera assurée par la Caisse nationale d'assurance-maladie. Ses salariés en ont-ils les compétences ?

Ce dispositif permettra notamment aux non-internautes d'ouvrir leur DMP. Il faut s'attendre à un énorme flux d'appels. Une entreprise capable d'absorber tant de coups de fil aurait facturé ce service très cher, alors que la Cnam dispose de la plus grande plate-forme téléphonique d'Europe. Il faut en moyenne 15 jours pour former les téléopérateurs. Pour les questions trop pointues, ils renverront vers les «hébergeurs», ces sociétés qui stockeront les DMP.

Les industriels qui le testeront bientôt ont eu peur d'une «nationalisation» du DMP. Avez-vous été tenté, pour faire plus vite et moins cher, d'instituer un hébergeur unique, en l'occurrence la Caisse des dépôts et consignations ?

Non car le principe du libre choix de l'hébergeur, à qui chaque personne confiera son DMP, figure dans la loi. Mais il sera plus facile de commencer avec un seul hébergeur puis d'en ajouter d'autres. L'hébergeur «de référence», privé, assurera aussi la sauvegarde des dossiers si l'un des autres hébergeurs était défaillant. La Caisse des dépôts sera, quant à elle, chargée du portail Internet unique par lequel chacun accédera à son dossier, quel que soit son hébergeur. Cela ne peut pas fonctionner sans une parfaite confiance du citoyen dans celui qui sécurise l'accès aux données médicales. Nous avons donc préféré confier cette mission à la Caisse.

Cette multitude d'acteurs est terriblement compliquée. On aurait pu faire le «12» mais on se croirait dans la jungle des «118...» !

C'est complexe, en effet. Mais notre travail sera de faire en sorte que les patients et les professionnels de santé puissent utiliser facilement le DMP, sans percevoir toute la complexité qui se cache derrière. Le médecin pourra utiliser le dossier en quelques clics, sans allonger le temps de sa consultation. Le portail Internet sera l'équivalent du «12» des renseignements, c'est-à-dire un accès simple et unique pour l'assuré. "