Patrick Devedjian, député UMP des Hauts-de-Seine et conseiller de Nicolas Sarkozy
"Jacques Chirac mesure que Nicolas Sarkozy est la seule chance de la droite en 2007"
LE MONDE Mis à jour le 08.05.06 16h57
Dominique de Villepin peut-il trouver les moyens d'un rebond politique ?
Très honnêtement, la situation me paraît critique, tant en raison d'une impopularité croissante que des développements à venir du feuilleton judiciaire Clearstream. Mais je ne sous-estime pas sa détermination.
Nicolas Sarkozy serait-il devenu le seul sauveur de la droite ?
Il représente et de loin son meilleur espoir. Il est le seul qui porte la perspective d'un profond changement que les Français attendent, en même temps qu'au-delà des clivages il est celui qui est le plus en phase avec leurs aspirations.
Doit-il, si la proposition lui en est faite, accepter Matignon ?
Le problème ne se pose pas ainsi. Le président de la République a dit qu'il voulait faire de 2006 "une année utile". Pour qu'elle le soit, il faut qu'elle donne lieu au changement qu'incarne Nicolas Sarkozy. Autrement dit, si le président de l'UMP devait accepter la charge de premier ministre, ce ne pourrait être que pour mener la politique qu'il croit indispensable à l'intérêt de la France. Il devra avoir une forte liberté d'action et de moyens.
Sous-entendez-vous que les premiers ministres de M. Chirac depuis 2002 ne l'avaient pas ?
Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin ont mis en oeuvre le projet de Jacques Chirac. Nicolas Sarkozy devra, lui, mettre en oeuvre son propre projet, en anticipant d'une certaine manière la rupture qu'il propose pour 2007 s'il est élu président de la République.
N'est-ce pas un piège pour lui ?
C'est à tout le moins une difficulté. Les exemples d'Edouard Balladur et de Lionel Jospin doivent le faire réfléchir. Mais quand on s'engage en politique c'est pour servir son pays sans attendre, surtout lorsqu'il connaît d'aussi grandes difficultés que le nôtre. L'intérêt personnel passe après, car il est vrai qu'être premier ministre empêcherait Nicolas Sarkozy de démissionner du gouvernement pour engager sa campagne présidentielle.
Aurait-il le temps d'agir ?
Il aurait au moins le temps d'unifier la majorité et de la dynamiser en rendant visible son projet par l'exemple. Mais il aurait aussi le risque de l'enlisement quotidien dans des questions subalternes au regard des défis du pays.
Croyez-vous vraiment que le chef de l'Etat puisse lui laisser carte blanche ?
Cela n'a pas l'air de se présenter comme ça, mais on ne sait jamais. Il est sûr que la nomination du président de l'UMP à Matignon serait pour lui (Jacques Chirac) l'acceptation de voir mettre en oeuvre un autre projet que le sien. Ce serait aussi se rallier d'ores et déjà à la candidature présidentielle de Nicolas Sarkozy.
Comment décririez-vous les relations actuelles entre MM. Chirac et Sarkozy ?
Elles sont faites, de part et d'autre, de plus de subtilités qu'on ne l'imagine. Il me semble que le président n'a renoncé à rien, mais qu'il mesure que Nicolas Sarkozy est désormais la seule chance de la droite en 2007.
Qui profite, en termes électoraux, des difficultés du gouvernement ?
Visiblement, si l'on en croit les sondages, l'extrême droite et la gauche. Mais cette dernière fait preuve de beaucoup de cynisme en tentant d'amalgamer la victime Sarkozy avec ceux qui ont voulu lui nuire. En revanche, je ne crois pas à une réédition du 21 avril 2002 qui laisserait face à face au second tour le candidat du Parti socialiste et celui de l'extrême droite.
Nicolas Sarkozy fait d'ores et déjà - et malgré nos difficultés du moment - au moins jeu égal avec Ségolène Royal. De plus, l'UMP est plus unie que ne l'est le PS, en termes d'offre de candidatures. Il y a chez nous, et malgré les apparences, moins de rivalités de personnes. A l'UMP, nous avons la force d'un projet contre l'illusion d'une image.
Que vous disent les militants de l'UMP ?
Ils nous disent leur incompréhension face à l'affaire Clearstream, leur sympathie à l'égard de Nicolas Sarkozy dont ils admirent le courage et la modération face aux mauvais coups de tous bords. Ils souhaitent aussi que nous nous mettions au plus vite en ordre de bataille pour l'élection présidentielle.
Propos recueillis par Philippe Ridet
Article paru dans l'édition du 09.05.06
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