mercredi, mai 10, 2006


Nous saluons le bien-fondé du combat de la Sénatrice de la Réunion, Anne-Marie Payet, en faveur de la protection de l'enfant à naître.
Ci-dessous, article du Monde de ce jour

L'alcoolisme du foetus


Le tribunal administratif de Lille devait examiner, mardi 9 mai, un recours en responsabilité de l'Etat déposé par trois mères dont les enfants sont atteints, à des degrés divers, du syndrome d'alcoolisation foetale (SAF). Cette action en justice pour défaut d'information sur les dangers de la consommation d'alcool pendant la grossesse a incité, non sans mal, les pouvoirs publics à mener une campagne de prévention sur ce syndrome mal connu qui représente la première cause de handicap non génétique. Parce que l'alcool traverse le placenta et est potentiellement toxique, même à faible dose, pour les cellules nerveuses de l'enfant, seule l'option "zéro verre d'alcool" doit être retenue durant la grossesse, recommandent les spécialistes de gynécologie-obstétrique et de pédiatrie.
Pratique
Chiffres : selon une expertise collective de l'lnserm publiée en septembre 2001, 700 à 3 000 enfants atteints du syndrome d'alcoolisation foetale (SAF) naissent chaque année en France. Le Nord - Pas-de-Calais, la Bretagne et la Réunion sont les trois régions les plus touchées par cette pathologie.
Symptômes : le SAF se caractérise par des malformations cranio-faciales, un retard de croissance et des handicaps cognitifs. Il est à l'origine de retards mentaux et de troubles du comportement.
Il aura fallu l'opiniâtreté de la sénatrice (UDF) de la Réunion, Anne-Marie Payet pour qu'un amendement obligeant l'apposition, sur toutes les bouteilles d'alcool, d'un message sanitaire à l'attention des femmes enceintes soit adopté par le Parlement, dans le cadre de la loi du 11 février 2005 relative aux personnes handicapées. Après moult démarches technico-administratives et négociations avec les alcooliers, l'arrêté sur les modalités d'inscription de ce message, que Le Monde s'est procuré, devrait être promulgué courant juin.
Toutes les boissons alcoolisées commercialisées en France (bière, vin, whisky, etc.) devront comporter "dans le même champ visuel" que l'indication du degré d'alcool, soit un pictogramme représentant la silhouette barrée d'une femme enceinte qui porte un verre d'alcool à sa bouche, soit la phrase : "La consommation de boissons alcoolisées pendant la grossesse, même en faible quantité, peut avoir des conséquences graves sur la santé de l'enfant." Les marques disposeront d'un délai d'un an, à compter de la publication de l'arrêté, pour se mettre en conformité avec la loi.
"Le principe de cette mesure est révolutionnaire", considère-t-on à la direction générale de la santé (DGS) qui a piloté, au sein du ministère de la santé, l'élaboration de l'arrêté. D'abord parce que c'est la première fois qu'un message sanitaire apparaîtra sur des bouteilles d'alcool, ensuite parce que la France sera le premier pays en Europe à se doter d'une telle législation pour prévenir le SAF. Jusqu'à présent, seuls l'Australie, le Canada et certains Etats américains disposent d'un message visant explicitement les femmes enceintes.

Susceptible d'avoir un impact sur "la libre circulation des marchandises", l'arrêté français a dû faire l'objet, ces derniers mois, d'une longue procédure européenne... C'est ce qui explique le décalage entre le vote de la loi et son application. Cinq pays (Italie, Belgique, Hongrie, Espagne, République tchèque) ont émis des avis "réservés" sur cette mesure, les uns la considérant comme "disproportionnée", les autres estimant que le SAF relève d'une information "délivrée par les professionnels de santé". L'initiative de la France pourrait faire "tache d'huile", estime la DGS, la Finlande étant intéressée à adopter la même mesure.
En outre, le risque de plainte devant les tribunaux pour "défaut d'information" pourrait inciter les professionnels à prendre les devants.
"Selon la loi, les risques inhérents à un produit doivent être indiqués sur les emballages, sinon il y a tromperie sur la marchandise", fait valoir maître Benoît Titran, avocat des trois femmes qui ont engagé un recours devant le tribunal administratif de Lille. "Le SAF a trop longtemps été un problème de santé publique occulté", estime Anne-Marie Payet. La sénatrice a dû batailler plusieurs mois - d'abord contre l'avis du gouvernement lors de la discussion de la loi de santé publique en 2004, puis contre une partie des parlementaires proches de la filière viticole - avant de faire admettre le bien-fondé de sa proposition, avec, in fine, le soutien du ministère de la santé.

Dans un chapitre consacré à la politique de périnatalité, le rapport de la Cour des comptes, publié en février, pointait la nécessité de "prendre sans délai" l'arrêté relatif à la présence d'un message sanitaire pour les femmes enceintes sur les bouteilles d'alcool. "
Sandrine Blanchard
Article paru dans l'édition du 10.05.06